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* LA FORCE D'AIMER
* ¤ CHANT ¤ MUSIQUE ¤ NON-VIOLENCE ¤ PAIX
¤ . * * *
* * * TEMOINS
De tous temps et en tous lieux, des êtres brutaux ou
pervers se sont acharnés à semer la haine et la violence. Mais à l'inverse,
de tous temps et en tous lieux, des hommes se sont dressés pour rappeler et
défendre les droits de toute personne, pour affirmer leur amour de la justice,
de la liberté et la paix. Les plus courageux d'entre eux se sont engagés sans
armes dans un dangereux combat contre la violence. Beaucoup y ont sacrifié leur
vie. Tous méritent notre respect. Ce sont les admirables "témoins" de la
non-violence et de la paix.
Pour ma part, j'ai eu la chance et l'honneur
de côtoyer certains d'entre eux, voire de coopérer avec eux.
Le tableau ci-dessous
est un hommage affectueux.
TEMOINS DES DROITS HUMAINS, DE LA NON-VIOLENCE ET DE LA
PAIX (Ordre alphabétique)
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1985
Avec Pierre et Marie-Pierre BOVY, Arche de LANZA DEL VASTO à Bonnecombe |
Pierre et Marie-Pierre BOVY, Communauté de
l'Arche de Lanza del Vasto
J'ai rencontré
Marie-Pierre BOVY au cours d'une assemblée du M.I.R., il y a très longtemps.
Lorsque je lui ai parlé de mon récital, Marie-Pierre, qui est une musicienne
chevronnée et une excellente chanteuse, a immédiatement perçu l'intérêt de la
démarche : faire mieux connaître la non-violence par le moyen de l'expression
artistique. Ce fut l'occasion d'une coopération fructueuse entre l'Arche et moi.
Cette voie nous a conduits à organiser des animations très festives, donner des
veillées de Noël, enregistrer une cassette ensemble... Cela m'a aussi permis de
réaliser mon hommage à "Jésus le Nazaréen", immense non-violent, "la référence
pour les hommes de bonne volonté, pour les artisans de Paix du monde entier,
chrétiens ou non". (voir page "Enregistrements") Je pourrais évoquer le long
et riche compagnonnage qui unit Pierre et Marie-Pierre BOVY à LANZA DEL VASTO et
à l'Arche, évoquer l'indéniable talent de Pierrot en sculpture sur bois, les
multiples facettes de la personnalité de Marie-Pierre : Compagne de l'Arche,
présidente de l'IFOR (International Fellowship of Reconciliation, dont le
M.I.R., Mouvement International de la Réconciliation, est la branche française),
animatrice brillante, fine psychologue, militante infatigable... Mais au
fond, ce long discours ne suffirait pas. Pierrot et Marie-Pierre sont dans
mon coeur à tout jamais, non seulement parce qu'ils ont toujours été mes amis
accueillants et fidèles, simples et doux, tendres et généreux, mais aussi parce
qu'ils sont à mes yeux l'exemple vivant d'une non-violence bien comprise,
parfaitement équilibrée : la raison, le coeur et l'action s'y épousent en
harmonie. Ensemble, nous parlions bien sûr de non-violence, de LANZA DEL
VASTO, de la vie à l'Arche. Mais nous chantions aussi. Je jouais de la vielle
devant la cheminée. Pierrot me montrait l'une de ses sculptures sur bois.
Marie-Pierre nous offrait une collation savoureuse. Un petit chat venait jouer
sur ses genoux... Aux conversations graves succédaient des éclats de rires
joyeux. Nous faisions avancer nos projets dans la bonne humeur. Marie-Pierre
dynamisait notre équipe en lançant son traditionnel : "Schtroumpf !" qui
signifiait à lui seul : "Courage, compagnons! Mettons du coeur à l'ouvrage. Nous
sommes sur le bon chemin. Et... vive notre amitié!" J'aime et respecte
infiniment chez Pierrot et Marie-Pierre BOVY une qualité merveilleuse et dont
l'Arche est coutumière : je l'ai retrouvée chez tous les compagnons. Leur
douceur bienfaisante, leur réflexion profonde et sûre, leur solide engagement
m'ont aidé à mieux percevoir toute la beauté, la richesse et la force de la vie
ainsi conçue. Non-violence bien ordonnée commence par soi-même. C'était une
idée chère à LANZA : "Je dois procéder par ordre et commencer par combattre le
mal en moi.( ...) La préparation régulière à la Non-violence, c'est l'initiation
à la vie intérieure : connaissance, possession, don de soi-même." (LANZA DEL
VASTO, "Technique de la non-violence", Ed. Denoël-Gonthier). Ce travail sur soi,
ce don de soi, Pierrot, Marie-Pierre et tous les compagnons de l'Arche en sont
les merveilleux exemples. |
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Alain AUBRIOT ....
- 1960
Jacques GAILLOT 1935 -
.... |
Jacques GAILLOT 1935 - .... Evêque
d'Evreux, puis Evêque de Partenia - "Le racisme est incompatible avec
l'Evangile." - "L'avenir n'est pas dans les armes; il n'est pas dans la
violence... Développons les chemins nouveaux d'une non-violence active. Cette
force est inscrite dans l'Evangile." - "L'Eglise doit être l'Eglise
des exclus, pas de l'exclusion."
J'avais 16
ans. Mon meilleur ami en avait 20. Il s'appelait Alain AUBRIOT, était
séminariste, rêvait de paix et d'amour... Parfois il m'invitait chez ses parents
et me faisait découvrir... la musique classique. Bientôt je fis l'acquisition de
mes premiers disques : la 3ème symphonie de Beethoven, la polonaise héroïque et
l'andante spianato de Chopin... Alain était amoureux de la vie. Parfois nous
allions faire de la bicyclette mais ce n'est pas facile quand on porte une
soutane : Alain marchait donc dignement à côté de son vélo. Mais dès que nous
étions éloignés des habitations, le séminariste ôtait
vivement sa soutane, la roulait en un clin d'oeil et la fixait sur son
porte-bagage avec un élastique à crochets. Nous partions alors pour des courses
folles au grand air. Alain rayonnait de gentillesse et de gaieté. Joie de vivre!
Il fut tué pendant la Guerre d'Algérie, le 8 juillet 1960. Son corps fut
rapatrié dans un cercueil. Je passai la nuit du 22 au 23 août 1960 à veiller mon
ami Alain. Cette nuit là, je découvris mon horreur de la guerre et des armes.
Cette nuit-là, ma vie changea : je commençais à entrevoir une autre manière de
vivre, dans la paix, la fraternité universelle. En 1969, quand vint pour moi
l'âge d'accomplir mon service national, je refusai le service militaire et
accomplis un service civil. Beaucoup plus tard, en 1987, j'appris qu'un
évêque français osait enfin affirmer qu'il était favorable à la non-violence.
Cela changeait agréablement des tisanes insipides qu'on nous inflige trop
souvent. Il semblait soucieux du sort des pauvres, des exclus... mais se
prononçait aussi pour la fraternité, contre le racisme, pour l'objection de
conscience, contre les ventes d'armes ou la dissuasion nucléaire... Enfin un
évêque non-violent! Son nom? Jacques GAILLOT. Je décidai de lui écrire et lui
parlai de la mort de mon ami et de l'influence qu'elle eut sur mon engagement.
Je reçus aussitôt une réponse : Jacques m'invitait à lui rendre visite à l'évêché.
Le jjeudi
16 juillet 1987, Jacques m'attendait sur le quai de la gare d'Evreux, simple,
souriant, chaleureux. Nous sommes partis tous les deux dans sa petite voiture. A
l'évêché, nous avons pris le temps de faire connaissance, évoquant le souvenir
d'Alain et de sa famille si profondément meurtrie. Nous avons parlé de
non-violence. Jacques m'a conduit jusqu'à son bureau : la table était couverte
de courrier. Des dizaines de lettres. Beaucoup étaient positives : des
encouragements, des félicitations, des remerciements... D'autres, plus rares,
étaient basses, vulgaires et violentes : destinées à "Mohamed Gaillot" ou
"Ayatollah Gaillot", elles suintaient de haine franchouillarde et xénophobe. Je
sentais bien qu'elles affectaient un peu Jacques, car c'est un homme de coeur,
mais je constatais avec plaisir qu'elles n'entamaient en rien ses convictions et
son désir d'agir. Nous sommes descendus dans le parc de l'évêché. Les
tourterelles chantaient dans les arbres hauts. Jacques me parlait de notre
journée, date prévue pour le départ d'un pèlerinage à
Lourdes... Certes, mais Jacques devait aussi se rendre en Afrique du Sud, auprès
de Pierre-André Albertini accusé d'intelligence avec les militants
anti-apartheid. On sait le choix qu'il fit. J'aime les hommes de cette trempe.
Depuis notre entrevue, Jacques a continué son combat. Ceux qui n'ont pas son
courage se sont prudemment réfugiés dans le "choeur" et se sont évanouis dans la
grisaille et les fumées d'encens. Quant à Jacques, il est audacieux, novateur, proche des pauvres et des exclus, non-violent, donc réfractaire à toute
concession à la violence. L'alliance du sabre et du goupillon, non merci. Son
engagement magnifique et prophétique lui valut des démêlés avec Rome et l'appareil de l'Eglise,
hélas si conservateur. Je
publiai plusieurs articles en faveur de Jacques, organisai des actions de soutien...
Mais le couperet tomba. Jacques fut sanctionné par Rome et dut partir d'Evreux pour l'évêché virtuel de
Partenia. Sanction mesquine et injuste qui ne grandit pas ses auteurs. Depuis, j'aime Partenia
: on y respecte l'enseignement de JESUS aussi bien qu'à
Rome, sinon mieux : on y est exclu mais on n'y pratique
pas l'exclusion. Honneur à toi, Jacques ! |
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Jean GOSS 1912 -
1991
1986 Avec
Jean GOSS |
Jean GOSS 1912 - 1991 A parcouru le monde
pour faire connaître et appliquer la non-violence active. - " Quand je
dis " NON " à la violence, je fais un acte d'homme libre, je donne à l'homme
toute sa dimension d'homme. "
J'ai rencontré
Jean GOSS à plusieurs reprises et, à chaque fois, ce fut un plaisir et une
joie. En mars 1987, à Aix-en-Provence, j'avais assisté à l'une de ses
conférences et j'avais été enthousiasmé par sa force et sa fougue. C'était un
travail à la fois puissant, précis, convaincant et... volcanique. Il disait :
"Dîtes la vérité! Refusez d'obéir aux ordres injustes, aux lois injustes, c'est
à dire aux ordres et aux lois qui manquent de respect à la personne humaine! La
non-violence repose essentiellement sur la Vérité avec une seule méthode :
l'attaque à la conscience." Jean l'audacieux n'y allait pas de main morte. Il
disait aussi : "La non-violence, c'est "servir". La violence, c'est "se servir"!
Les dirigeants n'ont pas faim, soif ou froid. Le peuple a faim, soif, froid!", ou
encore : "Le fer de lance de la non-violence est le refus d'obéir au mal." Ce soir
là, il avait même dit : "On n'étudie pas la non-violence dans les universités
françaises. On l'étudie ailleurs dans le monde, aux Etats Unis ou au Japon, mais
pas en France. Qu'est-ce que c'est que ces universités françaises? Si on ne peut
pas y étudier la non-violence pourtant essentielle pour l'avenir de l'humanité,
à quoi peuvent-elles bien servir? Quand est-ce qu'on y mettra le feu?" Quand
on connaissait Jean, on savait bien qu'une telle question n'était qu'une figure
de style, mais bon sang, quel orateur! Quelle flamme! (si j'ose dire...) En
1985, je fus sollicité pour chanter la non-violence au "Forum pour la Paix", à
Valence. J'y suis monté. Jean GOSS y était aussi : il donnait une conférence. Je
m'y suis rendu avec gourmandise, me régalant d'avance. Il était là, devant la
porte de la salle, adossé au mur car ses jambes lui faisaient un peu défaut.
Malgré ma crainte de le déranger avant sa conférence, je suis allé vers lui et
j'ai dit : "Bonjour. J'aime la non-violence." Son visage s'est illuminé
d'un large sourire, il m'a ouvert les bras et m'a répondu : "Salut! Tu es le
bienvenu!". Et il m'a serré contre lui. Nous nous embrassions comme deux frères.
J'aimais cette simplicité chaleureuse, cette amitié naturelle, cette vigueur
dans les élans du coeur et, en même temps, cet engagement passionné dans la
non-violence. Equilibre entre le coeur, l'esprit et l'action! Chez Jean comme
chez nos amis de l'Arche. Plus tard, on m'a demandé d'illustrer les
conférences de Jean GOSS et de Jean TOULAT par un choix de chansons
adaptées aux thèmes évoqués par l'orateur. Une expérience fabuleuse! Jean GOSS
était un homme chaleureux et... très ouvert. Il savait comment articuler son
discours pour me permettre d'y entrer avec ma guitare. Lorsqu'il tournait la
tête vers moi, je savais qu'il était parvenu à une articulation dans son raisonnement
et me passait le relais ; je prolongeais alors son
travail par mon chant. Ce qu'il disait avec des mots, je le développais sous
une autre forme, avec des chansons, à
la guitare ou à la vielle. Nous allions l'amble, à deux voix mais au service de
la même cause. Oui, Jean était un frère. Sa mort en 1991 me fit mal. J'aimais
très fort ce grand frère incandescent. |
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Joseph LANZA DEL
VASTO 1901 - 1981 |
LANZA DEL VASTO 1901 - 1981 Philosophe, écrivain, sculpteur… Disciple
de GANDHI et fondateur de la communauté de l'ARCHE. - "La
Non-Violence, c'est dire à la violence : NON! La Non-Violence exclut la
neutralité, la bagarre, la fuite et la capitulation. "
En 1981, je
souhaitais rencontrer LANZA DEL VASTO, non-violent, philosophe, poète, chanteur,
sculpteur... Je l'admirais pour ses livres et son engagement non-violent, mais
je l'aimais aussi beaucoup pour avoir su se faire le disciple de GANDHI.
Cependant j'ai tardé à me rendre auprès de lui : je voulais m'y présenter avec
ma vielle à roue afin de la baptiser en chantant pour et avec LANZA. Je savais
son goût pour les chants des troubadours et des trouvères. Mieux, j'avais
fait construire cette vielle pour chanter exclusivement la non-violence et la
paix. Elle devait m'être livrée à cette époque par le luthier anglais Samuel
PALMER. Hélas! Quand la vielle me fut livrée, LANZA nous avait quittés.
J'avais trop attendu. Je fus surtout bien triste de voir disparaître un homme
de cette qualité. J'achetai tous les journaux qui lui rendaient hommage et m'en
fis un dossier, pour mieux garder son souvenir. Peu après, je me suis tout de
même rendu dans la Communauté de l'Arche de La Borie Noble où Shantidas (le
"Serviteur de Paix", surnom donné par GANDHI) venait d'être enseveli. J'arrivai
à l'improviste. Personne ne pouvait m'attendre. Pourtant, quand je parvins à
leur habitation, je constatai que les compagnons de l'Arche étaient occupés à
chanter "Ma vielle vieller veut un beau son", un chant médiéval extrait des
"Miracles de Notre Dame", dont l'auteur est Gautier de Coincy, un trouvère des
XII°-XIII° siècles. Les compagnons de l'Arche m'ont accueilli avec une
infinie gentillesse et m'ont permis d'aller baptiser ma vielle toute neuve sur
la tombe de Shantidas et Chanterelle : c'est là que j'ai "tourné ma vielle" pour
la première fois. Depuis, elle a toujours servi la non-violence, la paix et
l'amour. Cinq ans plus tard, en 1986, mes amis de l'Arche m'ont invité à enregistrer une cassette
avec l'Arche de Bonnecombe : "L'Eternel est mon berger" (Réf. : Studio SM -
K395 - 1986 / voir la page "Enregistrements"). En souvenir de notre première
rencontre, j'ai tenu à inclure dans ma prestation l'air "Ma vielle" de Gautier
de Coincy. Je n'ai pas pu le jouer sur la vielle à roue car cela s'intégrait
moins bien à l'ensemble : je l'ai donc joué sur la cithare, plus douce et
discrète. En 1988, je voulus rendre hommage à JESUS bien que je ne sois pas
chrétien (je suis agnostique). Par fidélité pour LANZA DEL VASTO, je m'adressai à la
maison de disque où lui-même avait enregistré des chants magnifiques avec sa
compagne Chanterelle et tous leurs amis. Le Studio SM accepta de réaliser
une cassette : "JESUS LE NAZAREEN", un bouquet de chants populaires des
différentes provinces de France et de compositions personnelles. (Réf.
: Studio SM - K549 - 1988 / voir page "Enregistrements"). Je demandai à
Marie-Pierre BOVY, compagne de l'Arche, de bien vouloir rédiger un texte de
présentation de mon travail. Je lui suis reconnaissant d'avoir accepté : ce fut
pour moi un honneur et un bonheur. Il faut ajouter ceci : les compagnons de
l'Arche sont des non-violents exemplaires mais aussi des artistes accomplis. Ils
chantent merveilleusement bien mais sont également remarquables en danse,
poésie, sculpture, calligraphie... J'ai eu plusieurs fois la joie de donner
des spectacles avec ou en présence de compagnons de l'Arche. J'ai également
séjourné parmi eux. De tous les non-violents (et je les apprécie tous), ceux de
l'Arche ont ce "je ne sais quoi" qui fait la différence : un mélange de douceur,
de simplicité, d'affection tendre, de profondeur dans la quête personnelle, une
bienveillance de chaque instant qui font de ces amis des êtres délicieux et...
nécessaires. |
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Théodore MONOD 1902 -
2000
1997 Avec "Théodore", à
Taverny |
Théodore MONOD 1902 - 2000
Professeur honoraire au Muséum d'Histoire Naturelle Membre de l'Académie des
Sciences Humaniste, pacifiste, adepte de la non-violence . - " La
non-violence est, avant tout, une méthode active de résistance au mal, à
l'injustice, à la guerre et à sa préparation. "
Je connaissais
depuis longtemps Théodore MONOD par ce qu'en disaient les média. J'aimais bien
ce savant, humaniste, zoologue, botaniste, géologue, arpenteur de désert, assez
fou pour faire des centaines de kilomètres à pied à la recherche d'une fleur,
assez sage pour savoir que la vraie fleur s'appelle "amour" et pousse au coeur
des hommes. J'ai rencontré Théodore MONOD à la "Maison de Vigilance" de
Taverny, près de Paris. Chaque année au mois d'août, un groupe de non-violents
s'y réunit pour rendre hommage aux victimes d'Hiroshima et jeûner en
protestation contre la dissuasion nucléaire. A plusieurs reprises, je me suis
joint à eux, comme citoyen et comme chanteur. Les gendarmes de Taverny ont
contrôlé mes papiers ; je leur disais : "N'ayez crainte. Les non-violents, nous
ne mentons jamais et n'agressons personne. La violence est du côté de la
bombe atomique et nous la combattons." Par radio, ils interrogeaient
l'ordinateur central qui répondait que j'étais blanc comme neige. "Je vous
l'avais bien dit!" ajoutai-je en souriant. Eux ne souriaient pas : "Que
venez-vous faire ici?" - "Protester contre la dissuasion nucléaire." - "Allez!
Circulez!" Et je circulais, en me rendant à pied aux portes du camp militaire
pour continuer ma/notre protestation pacifique. Lorsque les non-violents de
Taverny défilent, ils portent des pancartes. Celle de Théodore indiquait : "La
préparation d'un crime est déjà un crime." En 1997, Théodore jeûnait
toujours, malgré ses 95 ans, et continuait de rencontrer les chefs militaires
pour leur dire sa désapprobation. Pendant les moments de repos, il était souvent
couché, pour économiser ses forces. Lorsqu'il se relevait nous l'entourions tous
de nos soins car chacun de nous l'aimait. Il avait du mal à entendre et ne
voyait presque plus. Sa démarche n'était plus très sûre, lui qui avait si
souvent arpenté le désert du Sahara. Un jour, je le vis s'efforcer de se lever
puis chanceler. Il allait tomber. Par chance, j'étais derrière lui : je glissai
aussitôt mes mains sous ses aisselles et lui servis de béquille vivante. Il
retrouva son équilibre, se redressa, esquissa un mouvement de rotation pour me
remercier mais y renonça par crainte de tomber. Il n'a donc pas vu qui le
soutenait et c'était bien ainsi : j'avais envie de l'aider au nom
de l'amour que nous lui portions tous. Lorsqu'il le pouvait, il se joignait
à nous et nous faisions cercle autour de lui. Ses paroles étaient rares mais
sages, profondes, précieuses. Je lui parlai de Mgr Jacques GAILLOT que
j'avais rencontré dans son évêché d'Evreux. Il sourit : "GAILLOT a du caractère.
Et... ce qu'il dit est souvent pertinent." - "Voire impertinent!", ajoutai-je. Théodore
réfléchissait en souriant.
Pour le taquiner un peu, je demandai : "Théodore, pourquoi avez-vous
ce petit sourire sardonique lorsque vous pensez à GAILLOT?" Il sourit encore :
"Non, non! Pas sardonique! Je l'aime bien." Théodore avait le génie de la
formule : courte, précise, forte, profonde. Un diamant qu'il nous offrait dans
la discrétion. Assis à ses côtés, je ne perdais pas une syllabe. Tandis que nous
jeûnions ensemble, je lui demandai : "Théodore, vous jeûnez ainsi depuis 15 ans
mais cela ne semble pas troubler les hommes politiques ni les chefs militaires.
Vous n'en êtes pas trop déçu?". Il m'offrit une réponse magnifique : "Je ne me
pose pas la question en ces termes. Je sais seulement que je n'ai pas le droit
de ne pas le faire." Je lui dis aussi : "J'aime que nous soyons tous
rassemblés ici. Tous d'âges différents, de régions différentes, mais unis dans
le même engagement." Théodore me répondit : "Oui. C'est beau. Mais il y manque
quelques chansons que nous partagerions... La non-violence, c'est aussi la
joie." Je me promis de revenir et de chanter pour lui. Un ami vint nous
photographier (voir ci-contre). Théodore, malicieux, tourna sa canne blanche
vers l'objectif : sur la face antérieure de la canne, un magnifique "Peace and
Love", que Théodore appelait en français "le signe de la non-violence". Le
soir, nous écoutions de la musique. Nous étions tous rassemblés en arc de
cercle, dans le plus grand respect de la musique et des compagnons présents. Pas
un bruit. Nous écoutions le "Requiem" de MOZART. Je sentais bien que ce requiem
était lourd de sens et de présages. Nous le sentions tous. Deux ans plus tard, en 1999, je
retrouvai Théodore et tous nos amis à Taverny. J'avais apporté mon matériel de
musicien et je donnai mon récital "La Force d'Aimer" en présence de Théodore.
Une grande émotion. Je ne devais plus le revoir : il nous quittait l'année
suivante. Ce fut pour moi un grand chagrin car nous lui devons
beaucoup. Merci, Théodore. Nous nous efforçons de marcher modestement sur vos
traces. Nous n'avons pas le droit de ne pas le faire. |
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Jean TOULAT 1915 -
1994 |
Jean TOULAT 1915 - 1994 Prêtre,
journaliste, écrivain. Auteur de nombreux ouvrages sur la non-violence.
- " La bombe, la non-violence : l'heure de l'une est aussi l'heure de
l'autre. L'humanité est placée devant un choix décisif. "
C'était en
1983, l'année où le film "GANDHI" de Richard Attenborough sortit sur les écrans.
Un jour, tandis que je regarde la télévision, j'apprends qu'Antenne 2 prépare
une émission sur la non-violence. Je m'empare aussitôt de mon stylo et leur fais
une lettre pour qu'ils n'aillent pas confondre non-violence, passivité,
pacifisme... Je leur conseille de contacter les gens compétents : Arche, MAN,
MIR, CUN... Peu après je reçus une réponse : c'était une invitation à me
rendre à Paris et participer à l'émission télévisée "Aujourd'hui la vie" sur A2.
Je leur téléphonai et leur dis qu'il y avait en France des gens plus qualifiés que moi pour
parler de non-violence mais on me répondit que j'étais invité en tant que
téléspectateur. Un témoin de la non-violence avait déjà été contacté. C'est
ainsi que je me retrouvai, le vendredi 6 mai 1983, dans un studio d'Antenne 2,
assis à côté de Jean TOULAT ; c'était lui, le témoin non-violent invité. Nous avions en face de nous un interlocuteur
impressionnant, Joseph ROVAN, survivant du camp de concentration de Dachau,
historien, professeur à l'Université de Paris, et une téléspectatrice qui...
n'avait pas la non-violence dans son coeur. La partie ne fut pas facile. Jean
TOULAT et moi avancions calmement mais sûrement : nous ne cédions pas un pouce
de terrain. J'eus de grandes émotions, par exemple lorsque Joseph ROVAN affirma
qu'il était facile d'être non-violent en France, pays lui-même non-violent.
Comment laisser passer cela? J'objectai que notre pays n'était pas au-dessus de
tout soupçon. Hélas! Qui peut ignorer les scandales que constituent l'époque
coloniale, les ventes d'armes, la dissuasion nucléaire, la torture en Algérie
(que dénoncèrent LANZA DEL VASTO et le général De BOLLARDIERE), l'affaire du
Rainbow Warrior, etc... ? La France non-violente? Cela se saurait! A la fin
de l'émission, Jean TOULAT et moi nous sommes retrouvés à échanger quelques
mots. Jean TOULAT me dit : "Félicitations. Vous vous êtes bien battu.
Visiblement, vous connaissez la non-violence. Pourquoi? Que faites-vous?" Je lui
expliquai mon engagement, comme citoyen, comme enseignant, comme chanteur... -
"Ah! Vous chantez! Cela m'intéresse. J'ai créé
une organisation, le "Service Vivre" : nous
organisons des rencontres sur le thème du
respect de la vie et cela inclut la non-violence. Vous voudriez y chanter?"
J'acceptai aussitôt. Jean semblait content. Il m'offrit son livre "Combattants
de la Non-violence" et chacun reprit son chemin. Nous nous sommes retrouvés à
plusieurs reprises et j'ai souvent chanté pour le "Service Vivre" de Jean TOULAT
et Suzanne CHAMPETIER : à Paris (Palais de la Mutualité), St Etienne, Nîmes,
etc... Parfois ce fut pour illustrer une conférence de Jean TOULAT, comme je le
fis avec Jean GOSS, parfois pour intervenir dans une "Fête de la Vie" ou donner
un récital complet au profit des enfants handicapés dont s'occupait
Suzanne. Fin 1983, Jean m'avait offert un autre de ses ouvrages : "Les Forces
de l'Espoir". Il y avait inscrit cette dédicace : "Pour Georges-Guy LOURDEAUX
qui croit aux forces de l'espoir en souvenir de la Fête de la Vie et en cordial
hommage, Jean TOULAT, 20-11-83". En 1994, Jean TOULAT a disparu lui aussi,
comme LANZA DEL VASTO, Jean GOSS et Théodore MONOD... La perte d'un ami non-violent
est doublement cruelle. Mais je veux
garder au coeur les "forces de l'espoir" et rester fidèle à ces chers compagnons
de lutte et à notre engagement commun.
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Georges-Guy LOURDEAUX-LOUVET
1944-...
La non-violence fait son chemin.
Elle triomphera. Martin Luther KING et ses amis chantaient déjà : "WE SHALL OVERCOME", nous
serons vainqueurs. Tout au fond de mon coeur, je sais que l'amour, la justice et la paix seront
vainqueurs. L'alpha et l'omega de toute vie belle et juste est ... le verbe "AIMER".
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© Copyright GGL - Georges-Guy LOURDEAUX-LOUVET. Tous droits réservés. |